Les conseils du Pr Xavier Girerd - Fondation HTA

CONSEILS-RecoMmAndAtions

Les publications sur l’hypertension du Pr Xavier Girerd :

Recommandations ESH2023 pour la prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte.

Les recommandations ESH 2023 ont été communiquées à Milan en juin 2023. Ces recommandations Européennes sur la prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte sont accessiblesen Intégralité sur le site internet de l’ESH. La lecture de ce document de 199 pages contient une bibliographie de 1743 articles, e sentiment est celui « de déjà lu ». Ce document est un « textbook » plus qu’une « recommandation ».
Dans les « nouveautés » je retiens le chapitre 7.4 Augmentation of dietary potassium intake. En effet les informations concernant les effets bénéfiques d’une augmentation de potassium font l’objet d’un chapitre dans les recommandations de l’ESH2023
Le potassium a un effet bénéfique sur la pression artérielle. Il a été observé scientifiquement que la substitution de sodium par du potassium s’accompagnait d’une diminution de la pression artérielle et du nombre d’AVC. En conséquence, l’OMS recommande une consommation de potassium d’au moins 3 g et demi par jour chez l’homme et d’au moins 2 g et demi par jour chez la femme.
Les sources naturelles de potassium se trouvent dans les fruits et particulièrement lorsqu’ils sont séchés, dans les graines aussi, en particulier dans le cacao, et dans les légumes. Le fruit le plus connu comme apportant du potassium est la banane, mais le champion est en fait l’abricot sec avec près de 1 g de potassium pour 100 g de fruit. La banane est la plus populaire mais en réalité la quantité de potassium apportée n’est que de 0,5 g pour 100 g de fruit. Moins connu est l’avocat qui, en réalité, contient deux fois plus de potassium qu’une banane. Pour les légumes, le contenu est variable selon le légume et selon la préparation culinaire réalisée. Il est dit que c’est la peau de la pomme de terre qui apporte le potassium et que la cuisson à l’eau fait diminuer le contenu en potassium. Pour la tomate, c’est au contraire la chair qui contient le potassium et en conséquence des quantités élevées de potassium sont notées dans les sauces tomates.
Depuis des années le message «manger moins salé» est largement diffusé et connu du grand public. La raison de ce message répétée par tous les media est le bénéfice pour les patients hypertendus de voir diminuer leur pression artérielle lorsque la consommation de chlorure de sodium est diminuée. De nombreuses études ont en effet démontré qu’une diminution de 5 g par jour de la consommation de chlorure de sodium pouvait s’accompagner, chez 40% des patients hypertendus, d’une baisse de la tension. Les données de six études prospectives de cohortes d’adultes vivant aux USA2, initialement en bonne santé, afin d’évaluer le rôle du rapport sodium/potassium sur la survenue d’une complication cardiovasculaire montre que pour chaque augmentation du sodium de 1 g (2,5 g de chlorure de sodium) il est observé une augmentation de 18 % du risque de survenue d’une complication cardiovasculaire. De plus, pour chaque augmentation de potassium de 1 g il est observé une diminution de 18 % du risque de complication cardiovasculaire.
Concernant le rapport sodium/potassium, un rapport supérieur à 3,4 s’accompagne d’une augmentation de 62 % des complications cardiovasculaires.
Ainsi, selon ces études, il est recommandé de consommer au moins 4 fois plus de potassium que de sodium pour obtenir un bénéfice optimal. Il est important de noter que le potassium provenant des aliments est plus efficace que celui apporté par des comprimés.
Ainsi les données actuelles confirment que les effets cardio-vasculaires défavorables d’une consommation excessive de sel peuvent être moins importants si la consommation de potassium d’origine alimentaire augmente.
Mais prenons garde aussi de ne pas diffuser des messages qui seront mal compris par les patients car le risque d’hyperkaliémie n’est pas nul, en particulier chez les sujets ayant une insuffisance rénale ou chez tous ceux qui prennent des médicaments antihypertenseurs ayant une action sur l’élimination du potassium par les reins (les sartans, les IEC, la spironolactone, l’amiloride).
Je ne conseille pas à mes patients la consommation de « sels de régime. En effet, ce sont le plus souvent des sels de potassium et il le risque d’hyperkaliémie est élevé en particulier chez les sujets de 60 ans et plus traités par un ou plusieurs médicaments bloquants le SRAA.Dans les autres avancées le chapitre 20.8 Hypertension oncology est nouveau et apporte des informations vraiment nouvelles. Ce chapître est à lire et ne peut pas être résumé tant il est détaillé sur le risque de voir apparaître une hypertension artérielle selon la famille d’anticancéreux utilisé. Toutefois une recommandation générale est émise qui est la suivante :
« Il est recommandé de mesurer la tension artérielle au cabinet médical avant le début d’un traitement anticancéreux. Chez les patients souffrant ou non d’hypertension artérielle, car de nombreux nouveaux médicaments anticancéreux peuvent provoquer une élévation de la pression artérielle ».

Dans les reculades, il y a celle qui concerne le « retour » des bêta bloquants pour la prescription de première intention.
Dans un article dans le Lancet3, le Professeur Messerli, un des leaders incontestés de l’hypertension artérielle aux USA écrit : « Dans ses récentes directives, la Société européenne d’hypertension a revalorisé les β-bloquants, les mettant sur un pied d’égalité avec les diurétiques thiazidiques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine, et les bloqueurs des canaux calciques. La raison invoquée pour le reclassement des β-bloquants est qu’ils sont souvent utilisés pour de nombreuses autres affections cliniques couramment rencontrées dans l’hypertension. Ce surclassement permettrait de traiter deux pathologies avec un seul médicament. Dans la plupart des directives nationales et internationales actuelles sur l’hypertension, les β-bloquants ne sont considérés comme une alternative que lorsqu’il existe des indications spécifiques. Comparés aux autres classes de médicaments antihypertenseurs de première intention, les β-bloquants sont nettement moins efficaces dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité cardiovasculaire. Le fait de reléguer les β-bloquants à un statut d’infériorité, comme l’ont fait les lignes directrices précédentes, était basé sur l’ensemble des preuves, et ne change pas. Aucune nouvelle preuve ne vient étayer le retour des β-bloquants en tant que traitement de première intention. Nous sommes préoccupés par le fait que ce changement pourrait conduire à des dommages généralisés en raison d’une protection inférieure contre les accidents vasculaires cérébraux ».

Une autre « reculade » concerne les méthodes de mesure de la pression artérielle et certain retour en arrière concernant les méthodes d’évaluation de la pression artérielle réalisées en dehors de la consultation ainsi la phrase du chapitre 4.2 Standard office blood pressure measurement mérite lecture « La mesure de la PA à la consultation de façon conventionnelle est la méthode d’évaluation de la PA la plus étudiée. Il en a résulté la classification de la PA, le rôle de la PA en tant que facteur de risque CV, l’effet protecteur du traitement antihypertenseur et les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques. Les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques ont été établis [4,62,80]. Malgré plusieurs limites, et l’utilisation croissante de la PA en dehors du cabinet, la mesure conventionnelle reste la méthode la plus utilisée pour le diagnostic et la prise en charge de l’hypertension ».
Il découle de cet argumentaire la recommandation suivante : « Il est recommandé de diagnostiquer l’hypertension au cours d’au moins 2 visites distinctes au cabinet (en l’espace de 4 semaines), à moins que la TA au cabinet n’indique une hypertension de grade 3 (≥180/110 mmHg) ou si le patient présente des symptômes liés à l’hypertension ou s’il existe des signes d’atteinte d’organes cibles ».
On croit lire la recommandation de l’OMS de 1972 !
On perçoit que cette recommandation n’a pas due être très consensuelle car une autre phrase a été écrite « La PA en dehors du cabinet est une source d’informations multiples sur le niveau tensionnel, avant et pendant le traitement. Il est donc recommandé d’obtenir des informations supplémentaires sur les valeurs de la PA par MAPA ou automesure ou les deux si possible ».

Risque cardiovasculaire chez l’hypertendu : le score PREVENT de l’AHA 2023

Au cours de la session de l’AHA tenue en novembre 2023, l’association des cardiologues Nord-Américains a annoncé avoir mis au point un nouveau calculateur de risque CV appelé PREVENT (Predicting Risk of CVD Events). Ce calculateur est le premier qui combine des mesures de la santé cardiovasculaire, rénale et métabolique pour affiner la prédiction du risque de maladie cardiovasculaire d’un individu.
La nouveauté par rapport aux calculateurs déjà disponibles (équation de Framingham, SCORE2, QRISK3) est de faire entrer dans l’équation de risque les paramètres définissant le syndrome cardiovasculaire, rénal et métabolique (CKM).
Ce nouveau concept est une réponse à la forte prévalence des maladies métaboliques et rénales dans la population mondiale.
Le calculateur tient compte évidemment aussi des facteurs de risque « traditionnels » : pression artérielle (seule la valeur de la pression systolique est conservée pour le calcul du risque avec 3 seuils chez un sujet non traité de 120, 140 et 160 et 3 seuils chez le sujet sous antihypertenseur à 100, 120 et 140), tabagisme, dyslipidémie, âge et sexe mais il ajoute d’autres facteurs comme l’utilisation de médicaments antihypertenseurs (pour tenir compte du risque résiduel chez les hypertendus traités) et il ajoute les déterminants sociaux de la santé (indice de privation sociale) lorsqu’ils sont disponibles.
Il est possible d’ajouter dans l’équation de prédiction des facteurs CKM lorsqu’ils sont cliniquement indiqués pour la mesure (rapport albumine urinaire/créatinine et hémoglobine A1c) ou des déterminants sociaux de la santé
PREVENT est destiné aux adultes âgés de 30 à 79 ans et estime le risque à 10 et 30 ans de l’ensemble des maladies cardiovasculaires, y compris, et pour la première fois, l’insuffisance cardiaque.
Le calculateur évalue le risque à 10 ans d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral uniquement chez les adultes âgés de 40 à 79 ans.
Les équations PREVENT sont actuellement uniquement disponibles sur des tables de risque en « version papier ». L’AHA indique que l’équation de risque sera bientôt disponible en version numérique.
Dans cette attente je recommande l’usage du calculateur de risque QRISK3 mis au point pour la population vivant en Grande-Bretagne5 qui est disponible sous un format numérique gratuit et propose une nombre de facteurs prédicteurs du risque encore plus complet que l’équation PREVENT (Marqueurs de l’inflammation, variabilité de la pression artérielle, traitement pharmacologiques augmentant le RCV).

Les conseils du Pr Xavier Girerd :

Ces textes ont été publiés dans infos@tension, la lettre d’information de la tension artérielle

En savoir plus

Faire un don
Rester informé
Choisir un tensiomètre
Mesurer la tension
Automesure sur 3 jours
automesure 3jours nov 2023 page 2
Espace pharmaciens